L’exceptionnel n’est pas forcément là où on l’attend. À la sortie de See The Light, premier album du Jeff Healey Band, en 1988, beaucoup se sont arrêtés à la personnalité et au style du guitariste. Jeff Healey, devenu aveugle à l’âge d’un an à cause d’un cancer, restait assis, sa guitare posée sur ses genoux. Cela ne l’empêchait pas de jouer avec beaucoup de virtuosité. Certains ont même vu en lui un nouveau Jimi Hendrix. Tout simplement, son premier album permet d’entendre un excellent musicien possédant de surcroît une voix chaude qui complète fort bien son jeu bluesy. Le style de cet album mélange, en effet, le Rock et le Blues. Des morceaux au rythme enlevé alternent avec des ballades.
Vingt-cinq ans après sa sortie, l’écoute de cet album est toujours réjouissante. Seuls deux défauts viennent un peu ternir ce constat très positif. La qualité moyenne de l’accompagnement constitue le premier point négatif. Le bassiste et surtout le batteur ne sont pas à la hauteur du jeu de Jeff. Le batteur joue de façon un peu mécanique. Parfois, son style est même un peu pesant tandis que celui de la guitare est aérien. Le second défaut provient de la qualité de l’enregistrement. Celui-ci est trop léché et manque de vie. Il est, à ce titre, représentatif du son de nombreux album de l’époque. Les années 90 et 2000 sont revenues à un son plus chaleureux et aéré qui était, d’une manière un peu différente, le cachet des années 70 et que les années 80 avaient perdu.
Laissons de côté ces défauts pour nous attacher aux nombreuses qualités de ce disque.
La première, c’est la fraîcheur dégagée par l’ensemble de l’album. Jeff Healey joue depuis plusieurs années dans des clubs situés dans sa ville natale, Toronto, ou proches de celles-ci. Cet album constitue une concrétisation de cette expérience accumulée au fil des concerts. Les trois musiciens peuvent exprimer en studio tout ce qu’ils ont vécu et emmagasiné au long de ces années.
La seconde qualité, c’est la variété des morceaux. Certains sont des reprises telles Hideway ou Blues Jean Blues, d’autres des créations originales. Le Blues prédomine à plusieurs reprises. D’autres plages sonnent plus Rock. À plusieurs reprises, des influences ou des points communs avec d’autres artistes de font sentir. My Little Girl fait indéniablement penser à Stevie Ray Vaughan et See The Light a des accents hendrixiens. Cependant, d’autres morceaux montrent le style propre de Jeff Healey. Son style et sa couleur sonore lui sont propres.
C’est naturellement que nous pouvons nous arrêter à la troisième qualité : la beauté du jeu de guitare de Jeff. Attardons-nous, pour cela, sur trois plages de ce disque. La beauté formelle du jeu du guitariste est patente dans la troisième plage du disque, River Of No Return. La musique se laisse écouter sans déplaisir, mais dans conduire l’auditeur a une réaction notable. Le solo de guitare au milieu du morceau change totalement ce constat. Le son de l’instrument, chargé en haut médium prend les devants. Le touché de Jeff est, en même temps, délicat et expressif. Le second morceau, Nice To Problem To Have, nous permet d’entendre un magnifique blues lent qui fait penser à plusieurs disques des années 60 tels ceux du British blues boom ou des bluesmen noirs américains. Le dernier morceau présenté ici, See The Light, clôture le disque de belle manière. Jeff Healey y développe un jeu nerveux qui laisse place par moments à des instants paisibles. La volubilité et la virtuosité s’effacent fugacement pour nous dévoiler la délicatesse qui anime ce guitariste trop tôt disparu. La maladie qui l’avait rendu aveugle l’a finalement emporté à l’âge de quarante-deux ans.
Il nous reste des moments particuliers et uniques comme ceux que nous donne à entendre ce grand artiste dans ce disque.
Mots-clefs : Blues, guitare, Jeff Healey Band, Rock