Le Bloc Note

Un classique … revisité

23Avr

Notre culture musicale, acquise peu à peu, est le fruit de rencontres et d’étapes importantes dans nos vies. Nous avons tous en mémoire un concert ou un disque qui a donné à nos goûts une nouvelle orientation. Dans ce processus, l’enfance joue un rôle à part. Certains souvenirs musicaux issus de nos jeunes années restent ainsi profondément ancrés en nous et ne nous quitte jamais.
Pour ma part, j’ai eu l’occasion d’écouter à plusieurs reprises à partir de ma huitième année les troisièmes et quatrièmes concertos pour piano de Ludwig Van Beethoven. Ils ont formé mon goût pour la musique classique et les œuvres concertantes. Depuis, mon horizon s’est considérablement élargi en terme d’époque ou de style musical, mais ces deux concertos demeurent un point de repère et presque une mesure inconsciente utilisée pour écouter d’autres musiques, en particulier les concertos bien sûr.
Fort de ce long cheminement avec cette musique, je vous présente aujourd’hui l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven interprétés par Claudio Arrau accompagné par le Staatskapelle de Dresde dirigé par Sir Colin Davis et enregistré entre 1984 et 1987.
Tous ceux qui n’imaginent pas un monde sans musique connaissent ce désir de faire constamment de nouvelles découvertes. Cela peut les conduire parfois à mépriser des œuvres jugées facile ou d’abord trop simple. Cependant, l’écoute des musiques les plus complexes n’empêche nullement de trouver des joies simples et renouvelées à l’écoute des morceaux les plus connus du répertoire de la musique classique. Bien plus, une apparente simplicité trouve sa vraie source dans une construction parfaite qui est la marque des œuvres les plus grandes. Ce bref plaidoyer ne vise pas seulement les concertos de Beethoven, présentés ici, mais également toutes ces morceaux qui ont accompagné nos premiers pas dans la musique et qui demeurent, à juste titre, des incontournables. La version de ces concertos présentée dans ce billet peut être l’occasion pour les plus blasés de les écouter avec une oreille neuve. Arrau, Davis et le Staatskapelle de Dresde nous invitent à entreprendre avec eux un chemin paisible et joyeux à travers ces cinq concertos.

Pochette du coffret
Né au tout début du siècle dernier, Claudio Arrau a déjà enregistré à deux reprises l’intégrale de ces concertos. Il a longuement côtoyé Beethoven et les interprétations qu’il nous délivre sont le fruit de cette lente maturation comme nous le verrons plus loin lorsque je vous présenterai les différents concertos. Sir Colin Davis, de vingt-quatre ans son cadet, a interprété à plusieurs reprises les concertos de Beethoven, même s’il n’est pas aussi familier de ces oeuvres qu’Arrau. Le Staatskapelle de Dresde a lui même interprété la musique de Beethoven à de multiples reprises.
Loin de donner de la pesanteur à l’ensemble, l’âge avancé de Claudio Arrau et son expérience passée explique, sans-doute la tonalité générale de ces cinq concertos. Le pianiste chilien invite ses compagnons d’interprétation à une forme de recueillement. Le pianiste mesure chaque note qu’il joue. Son expression est posée, quasiment priante. Cependant, cela ne conduit pas à la moindre pesanteur. Le plus remarquable tout au long de ces trois disques, c’est l’absence de toute lenteur ou exagération dans le ton. Les notes de piano s’égrènent lentement sans que l’orchestre soit tiré vers le bas. Au contraire, il poursuit avec légèreté tout en conservant ce propos posé qui amène l’auditeur à une forme de quiétude. Les auditeurs qui apprécient un style enlevé seront sans doute déçus ou même rebutés, mais ils ne pourront jamais reprocher à cette musique la moindre apathie.
Je ne vais pas étudier ici en détail chacun des concertos. Je vous propose de nous arrêter un instant sur le premier mouvement du 3e concerto et le second du 4e. Le mouvement inaugural du 3e concerto est un Allegro con brio. L’interprétation de l’orchestre et du pianiste répond au choix du compositeur. Les doigts d’Arrau se font bondissant sur son clavier. Cependant, le climat de paix évoqué plus haut reste toujours présent. Chaque note se détache donnant à l’ensemble une grande clarté. Même si nous sommes loin du travail de certains musiciens dans la musique baroque, le jeu des cordes et le piano concoure à une véritable légèreté qui donne un nouvel éclat à la musique de Beethoven. Le second mouvement du 4e concerto, Andante con moto, est d’un tout autre ordre. Les silences jouent un rôle primordial dans ce mouvement lent. Nombreux sont les orchestres qui tombent dans une certaine pesanteur en souhaitant paraître posés. L’ambiance de ce mouvement est plus grave sans devenir triste. L’intériorité de Claudio Arrau fait ici merveille. L’orchestre semble se mettre à son écoute tel un élève doué qui, attentif au maître, se met dans ses pas pour ne pas briser l’harmonie que celui-ci a créé.
J’ai évoqué, au début de ces quelques lignes, la place de ces concertos dans mon parcours musical. J’ai connu ces œuvres par d’autres interprètes avant de les entendre sous les doigts d’Arrau accompagné par Davis et l’orchestre de Dresde. Le premier contact fut rude et un peu difficile. A contrario, quand je pense aujourd’hui à cette musique, ce coffret vient immédiatement à mon esprit. Cela résume de la façon la plus nette, l’importance de cette interprétation. Je vous encourage donc vivement à porter une oreille attentive à cette magnifique musique source d’une joie qui, si elle semble contenue, est néanmoins profonde et juste.
PS : Ceux qui le souhaitent pourront retrouver cet album sur Deezer.

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